Chapitre 22

Le week-end fut court, mais reposant, et puis après plusieurs semaines à ne rien faire je sens que j’ai besoin de passer du temps à étudier.

Cette semaine notre emploi du temps est un peu différent, même si la semaine débute aussi par une demi-journée de cours de langue magique, ensuite nous avons des cours de magie élémentaires avec Monsieur Mondez, pour le tronc commun. S’il y a des rotations dans l’ordre des cours c’est pour qu’il n’y ait pas de routine et que tout le monde puisse passer les épreuves du tronc commun même en ayant choisi de se spécialiser. Seuls les cours de langue magique commune et les cours sur l’univers magique sont immuables sur le planning des premières années.

Cette semaine, je ne dois pas tenir le rôle d’enseignante, mais je sens bien que mes camarades ne vont pas hésiter à me poser toutes sortes de questions. Ce n’est pas pour me déplaire, mais nous devons tous apprendre la même langue et chacun doit se faire sa technique, après tout c’est comme quand on apprend l’anglais.

Le cours en lui même à commencer de la même façon que la semaine dernière.

« Bailëre. Bailëré.

On mikré bar paj wazi. »

Sauf que cette fois tout le monde a compris ce que Mademoiselle Kei a dit. L’autre chose qui change, c’est qu’Anna est absente aujourd’hui.

Le cours a pu commencer normalement.

« Hajigo aak SOV logiie cypak o deklaro ham.

Aaltrum aptae hela’an logiie hun. »

Mais les choses changent rapidement, lorsque Mademoiselle Kei poursuit en langue magique. Les bases sont là, mais il y a encore d’énormes progrès à faire pour un bon nombre d’élèves.

« Bon, pour faire simple pour ceux qui n’ont pas compris…

La langue magique commune est construite sur la base Sujet Objet Verbe, qu’il s’agit d’une phrase interrogative ou d’une phrase déclarative.

Le seul moment où cela peut changer c’est lorsqu’Aaltrum est utilisé juste avant une phrase. »

Chose dont je n’ai jamais parlé, Aaltrum, est un mot magique, une incantation de début de phrase magique majoritairement utiliser de nos jours, bien qu’il y en ait d’autres.

Alors que plus de la moitié des élèves sont perdus, soit avec la tête dans les mains, soit la tête contre leur bureau, quelqu’un vient frapper à la porte.

C’est Mademoiselle Shigusa. Elle n’a même pas attendu la réponse de Mademoiselle Kei pour rentrer. Elle va directement la voir pour lui susurrer quelques mots avant de jeter leurs regards sur moi.

L’instant d’après nous nous sommes retrouvées toutes les trois dans le couloir, ça doit être assez important au vu de l’ambiance lourde.

Un échange de regard en plus entre ma professeure et la déléguée du conseil magique avant qu’elles ne commencent à me dire ce qu’il se passe.

« Amanda, le conseil aimerait te voir une nouvelle fois.

C’est à propos de la découverte que tu as faite ! Cela va bien plus loin que ce que nous avions compris lors de notre entretien. »

« Est-ce que tu te souviens de la réaction de tout le monde quand tu t’es fait tester la semaine dernière ?

Tu aurais dû rester un peu plus après.

Quasiment tous les autres étudiants ont eu des résultats similaires… »

« Attends Reichi, il vaut mieux que ça soit un Magister qui lui donne les détails. »

« Je veux bien Nana, mais je ne peux ni te laisser mon élève à charge ni laisser ma classe sans surveillance ! »

« Ça je le sais bien, c’est pour ça que j’ai déjà appelé ton collègue pour qu’il débute son cours plus tôt ! »

Un son de chaussure claquant sur un sol en pierre retentit dans le couloir, le pas est lent, mais assuré.

« Mesdemoiselles, bonjour !

Je prends la relève pour le cours, Reichi.

Ça te coûtera une bière à la prochaine soirée ! »

Sur ces bonnes paroles, Monsieur Mondez est rentré dans la salle de classe, et de ce que nous entendons il est entrain de faire un bref débrifing à mes camarades.

« Allez, chacune doit aller chercher ces habits pour le rendez-vous avec le conseil. »

Mademoiselle Shigusa, dont le prénom est Nana, nous pousse un peu pour ne pas arriver en retard. Ça peut import que l’ont fasse partie du monde magique ou du monde normale, c’est un classique, c’est malpoli d’arriver en retard lors d’un rendez-vous.

Une fois que Mademoiselle Kei et moi sommes prêtes, respectivement équipées de nos toges de Magister Second et d’Apprentis Mage.

Et comme la dernière fois, nous sommes parties depuis l’extérieur, en utilisant la même formule silencieuse. C’est à croire que je ne pourrai jamais y aller seule…

Enfin, ça n’est pas bien grave…

À l’instant même où nous arrivons sur place, rien que le fait de voir l’immensité fait remonter en moi les sensations que j’ai ressenties la première fois.

Je me sens si petite, si insignifiante.

Et alors que je reste figée en plein milieu j’ai en plein dans mon champ de vision les silhouettes de Mademoiselle Kei ainsi que de Mademoiselle Shigusa qui avancent avec détermination la toge qui vole au vent.

Elles en imposent. Ce sont clairement des exemples à suivre.

Je m’active pour les rattraper et je leur emboîte le pas, histoire de pas être à la traîne.

La Grand’Place n’est plus aussi bondée que la dernière fois, ce qui permet d’avoir une vue assez dégagée sur l’ensemble de la place, ainsi que le bâtiment du Conseil Magique.

Et justement, plus nous nous en approchons, plus la silhouette de l’une des personnes qui se trouvent devant l’immense bâtiment me rappelle quelqu’un que je connais.

Cette personne est vêtue d’une toge identique à la mienne, une toge grise, on ne peut plus simple.

Il s’agit d’un Apprentis Mage, comme moi.

Enfin, il y a juste une chose qui dénote un peu, cette personne porte une écharpe blanche, simple, mais cela m’interpelle quand même !

Alors qu’elle est entrain de discuter avec un Magister, que l’ont reconnaît bien avec toutes ces dorures et son lycoris brodé, cette personne se tourne dans notre direction.

Et comme je le pensais il s’agit de Anna, elle qui était justement absente aujourd’hui.

« Tiens Anna, ça fait plaisir que tu sèches mes cours pour venir au Conseil Magique. Mais même si tu as un bon niveau…

Ha ! Monsieur Yuuki, c’est vous qui nous avez convoqués ? »

« Mademoiselle Kei, bonjour !

Je suis content de savoir que le niveau scolaire de Anna est convenable pour qu’elle puisse passer du temps au Conseil, avec moi.

Bien entendu, c’est notre bureau qui vous a convoqué, et c’est moi qui vais m’entretenir avec la demoiselle qui vous accompagne, Mademoiselle Shigusa et vous-même.

Et puis que tout le monde est là, pourquoi ne pas rejoindre la salle de conférence qui nous est réservée aujourd’hui ? »

Cette fois aussi nous accédons rapidement à la salle de conférence qui se trouve à l’étage et c’est tout aussi rapidement que l’ambiance sérieuse s’installe.

« Amanda Kiara, bienvenue au sein des bureaux du conseil. Il a été décidé de te convoquer ce jour concernant les événements ayant suivi la restriction magique due à la comète Sari.

Vous avez permis au conseil magique de redécouvrir des informations passées dans l’oubli.

Et pour vous remercier nous voulions vous remettre cette écharpe blanche. Il s’agit d’un titre honorifique, qui est le témoin du respect que vous octroie le conseil magique. »

L’ensemble de la salle est silencieux, stupéfait de ce qu’il se passe.

Le père de Anna me tend l’écharpe, qui maintenant me semble si lumineuse que mes yeux se plissent automatiquement.

Je la saisis et l’enfile.

Elle est d’une douceur, cela me laisse sans voix.

« Vous aurez maintenant accès librement à la formule qui vous mène ici.

Nous espérons que lors de la fin de vos études vous vous joindrez à nous. Le bureau des archives est à la recherche de ces futurs éléments. »

Ce n’est pas pour me déplaire, mais j’y pense depuis pas mal de temps, il faut d’abord que je reprenne l’école des parents avant d’aller plus loin.

« Bien sûr, je ne te demande pas un accord direct, nous avons encore quelques années devant nous.

Mais pour le moment, le bureau des archives te convoquera de temps à autre, en cas de besoin. »

« Et si ça peut te rassurer l’Académie de Magie de la Manche est totalement au courent et elle incite même les élèves à se rapprocher du conseil magique.

Tu pourrais être dans le même cas de figure que moi. Détachée du conseil dans un autre lieu, comme l’école de ta famille. »

« Un peu comme Anna tu auras des privilèges un peu partout, comme à la bourse magique de Paris ou dans la plupart des bibliothèques du monde. »

Je commence seulement à réaliser ce qu’il m’arrive.

Je suis sur le point de prendre une place si importante que les parents ne vont pas en revenir.

(Manda !

Il faut que tu fasses bonne figure.

Tu représentes ta famille, ton école !)

« Um, ein !

Einstok ! »

« Bien sûr, oui !

J’accepte !« 

« Forka ! Haji Rurul velkon ! »

« Formidable ! Bienvenue au Conseil Magique !« 

(Papa, Maman, je crois que ma vie de magicienne commence vraiment !)